Promesse faite, promesse tenue! Ça commence bien : je viens de terminer un roman absolument fabuleux et de voir un film tout aussi extraordinaire.
J'ai découvert le roman par hasard, en passant vite dans le rayon des livres du Costco de Clearwater, près d'ici. Et le titre a attiré mon attention, j'ignore pourquoi. En quatrième de couverture, j'ai été conquise. Non pas parce que ce roman publié en 2012 a déjà remporté plein de prix prestigieux, non pas non plus parce qu'il portait le collant : Buyer's Pick / Costco -- ce serait plutôt le contraire, disons -- mais plutôt à cause du sujet.
Ce récit raconte la première grande histoire d'amour de l'écrivain américain Ernest Hemingway avec Hadley Richardson, une Américaine du Sud, qu'il rencontre à Chicago au début des années 1920. Il s'épousent et partent vivre à Paris, là où les choses importantes se passent, au plan de la vie littéraire et culturelle s'entend. Ils y fréquentent des gens qui laisseront aussi leur nom à l'histoire : Gertrude Stein et Alice Toklas, Ezra Pound, Scott Fitzgerald et d'autres.
C'est un grand roman d'amour. Écrit superbement, en plus! J'imagine qu'il sera sans doute traduit en France d'ici quelques années, ce qui risque d'atténuer un peu les reflets chatoyants de la langue américaine, telle que la maîtrise parfaitement l'auteure Paula McLain.
J'ai aimé voir se dérouler l'écheveau de la vie d'une femme indépendante ET amoureuse, qui échappe à l'enfermement du Sud américain où elle est née et qui cherche à faire sa vie avec l'homme qu'elle aime. Lui n'est pas encore devenu le géant mythique qui poursuivra sa vie à Key West, pas loin d'ici, mais plutôt le jeune écrivain hésitant, qui cherche conseil auprès d'autres écrivain-e-s un peu plus expérimenté-e-s que lui. On sent la sève qui bouillonne dans ces deux personnages -- elle, qui ne demande qu'à s'émanciper et à s'épanouir, lui, qu'obsède l'urgence d'écrire et d'accoucher de son oeuvre. Fascinant.
C'est une belle et grande histoire d'amour, bien racontée. Et qui finit mal, c'est entendu. On sait à présent que Hemingway a eu plusieurs épouses et amoureuses; Tatie, the Paris Wife, était la première. Ils ont eu ensemble un fils, qu'elle a élevé seule en grande partie et que son père adorait à distance. Avant l'inéluctable séparation, après cinq années de bonheur et de grand amour, Ernest et Hadley se promènent un peu partout en Europe : à Antibes et ailleurs sur la côte d'Azur, en Suisse où ils vont faire du ski, en Espagne, où Ernest est faciné par les corridas de Pamplona et de Madrid, et aux États-Unis aussi, où ils se rendent en paquebot transatlantique, évidemment!
À elle seule, cette petite phrase, tirée de la 4e de couverture, dit l'essentiel :
A breathbreaking portrayal of love and torn loyalty. The Paris Wife is all the more poignant because we know that, in the end, Hemingway wrote that he would rather have died than fallen in love with anoyone but Hadley.
The Paris Wife, Paula McLain, Ballantyne Books (NY), 2012, 327p. |
Après cette excursion à Chicago et à Paris dans les années 1920, j'enchaîne avec un film remarquable, qui se déroule en trois lieux différents et à trois époques : en Angleterre en 1923 et en 1941, à Los Angeles dans les années 1950 et à New York en 2001.
Trois actrices merveilleuses : Meryl Streep, Julianne Moore, Nicole Kidman. The Hours, du réalisateur Stephen Daldry (2002), est basé sur le roman de Michael Cunnigham et présente en parallèle la vie de trois femmes, que rattache de manière fort ingénieuse le personnage fictif de Mrs Dalloway, l'héroine du roman de Virginia Wolfe.
Le film parle de vie et de mort, d'amour et de souffrance, de la douleur de vivre et de la difficulté d'échapper au destin. D'homosexualité, aussi, mais de manière sous-terraine et indirecte, je dirais.
L'une de ces femmes est précisément l'écrivaine anglaise Virginia Wolfe, présentée ici dans toute la souffrance et l'enfermement qui ont mené à son suicide. L'autre est une ménagère américaine des années 1950, qui étouffe dans sa maison familiale cossue, dans une banlieue qui ressemble à toutes les banlieues nord-américaines, sauf qu'il y a des palmiers sur sa rue à elle. La troisième est une éditrice célèbre qui mène une vie agitée à New York, en 2001, qui habite un appartement splendide qu'elle partage avec sa compagne et sa fille, et dont l'existence tourne autour d'un homme, poète maudit et homosexuel, qui se meurt du sida et qui se suicidera sous ses yeux à elle.
Montage parallèle superbe. Images d'une beauté inouie, qui rendent tellement bien le climat étouffant de Richmond, cette banlieue de Londres dont Virginia Wolfe veut s'échapper, de l'autre banlieue de Los Angeles, dont Laura Brown cherche à s'échapper et de l'appartement où vit Richard, l'écrivain sidéen qui prend toute la place dans la vie de l'éditrice Clarissa Vaughan, et dont il réussit à s'échapper, en mettant fin à ses jours.
Si vous avez vu le film, vous savez comment Mrs Dalloway les rattache toutes les trois, d'une manière habile, dans cet excellent récit de fiction. Vous savez aussi que ces trois femmes sont prisonnières de l'étau des conventions, de leur époque, et chacune à sa façon, du carcan de l'hétérosexualité. Mais elles sont aussi habitées par l'amour, déchirées par la souffrance, attachées à leurs enfants et à leurs proches. La première meurt, Virginia Wolfe, on le savait d'avance; la deuxième survivra, contre toute attente; et la fin du film laisse croire que la troisième choisit la vie, elle aussi .
À voir et à lire, quand ces femmes croiseront votre route!
Virginia Wofe, 1882-1941 |