Ce n'est pas une fête avec des gâteaux et des ballounes, dit à juste titre l'historienne Micheline Dumont dans un petit bout d'entrevue que l'Université de Sherbrooke met en ligne ce matin pour signaler la Journée des Femmes.
À voir ici : http://www.usherbrooke.ca/medias/nouvelles/actualites/actualites-details/article/21251/
Non, le 8 mars, ce n'est pas la fête des femmes, encore moins de LA femme.
C'est la Journée des femmes, la journée des LUTTES des femmes.
La seule journée de l'année où on a le droit de se dire féministes sans s'attirer des gros yeux. Où on peut célébrer tout le chemin parcouru par ce formidable mouvement de changement social et politique qui a changé la face du monde, en Occident et au Québec à tout le moins, depuis quelques décennies.
Le 8 mars, c'est la célébration de ces victoires qui ont changé nos vies, en un siècle ou à peu près : le droit d'aller à l'école et de s'instruire, le droit de participer à la vie politique en votant et en se portant candidates (idéalement, en étant élue aussi, mais au Québec, c'est arrivé seulement 25 ans après le droit de vote -- 1940 / 1964), le droit d'avoir les enfants que l'on veut -- et seulement ceux-là, le droit de divorcer, d'acheter une maison, d'autoriser des soins médicaux sur soi-même ou ses enfants, le droit de choisir son métier ou sa profession et de l'exercer, le droit d'avoir un salaire décent, le droit de vivre, de respirer, de marcher en liberté sur la rue le jour ET la nuit, le droit de... le droit de ... le droit de ...
On est parties de tellement loin qu'elle est longue l'énumération des marches qui ont été gravies, une à une, pour atteindre ce qui ressemble aujourd'hui à un statut d'être humain digne et égale en droits. Et il en reste encore ...
Le 8 mars, c'est aussi la célébration de toutes celles qui ont donné leur temps, leur énergie, leur talent et une partie de leur vie pour faire avancer la cause des femmes. Ces militantes qui ont essuyé refus après refus, dont on se moque si souvent, qu'on oublie facilement mais qui ne baissent (ne baissaient) pas facilement les bras et qui continuent de croire que le mot justice peut avoir un sens.
J'ai été l'une de ces militantes, dans une vie antérieure, comme on dit. Plein de beaux souvenirs d'avoir participé à des collectifs de lutte, comme Les Têtes de Pioche, qui publiait un petit journal (plus tard, il y a eu La Vie en Rose, un magazine à la couverture glacée en couleur, mais c'est une autre histoire), d'avoir fait des reportages, des émissions et des séries à la radio et à la télévision pour montrer, nommer, expliquer le formidable mouvement des femmes, publié un livre, (Pour en finir avec le patriarcat -- mauvais titre, choisi par l'éditeur) aujourd'hui disparu sauf pour les exemplaires qui restent dans mon sous-sol, rencontré des centaines de groupes de femmes, donné des ateliers, des conférences, des entrevues ... Tant et tant de choses qui s'effacent avec le temps, un peu comme des traces de pas sur le sable.
Ce qui reste, ce sont les résultats de ces années de lutte et de militance qui ont permis de changer bien des choses en peu de temps. Quand les femmes de ma génération racontent de quoi le monde avait l'air à l'époque de notre jeunesse, on a l'impression de décrire une sorte de moyen-âge. Et pourtant! Pour moi, comme pour d'autres, la militance n'était ni un choix ni une vocation; fallait se battre pour faire son chemin, tout simplement!
Elles en ont parcouru du chemin, les femmes, depuis 40, 50, 75 ou 100 ans! J'aimerais bien qu'on raconte ce parcours-là dans les cours d'histoire du primaire et du secondaire -- tiens, paraît qu'on fait une révision des programmes d'histoire en ce moment, ça tombe bien!
J'aimerais bien qu'à part le droit de vote et l'élection de la première femme députée, de la création des Conseil du statut de la femme et de l'adoption de certains lois-clés, on parle aussi des aspects quotidiens et intimes de la vie des femmes qui ont changé, comme le droit de faire (ou de ne pas faire) l'amour quand et avec qui on en a envie, la possibilité de choisir le moment d'avoir des enfants, de ralentir ou de continuer son parcours professionnel, de cesser d'être la proie de toutes sortes d'agressions, verbales, physiques, psychologiques ou sexuelles, de la part de tout un chacun des mâles de cette planète! etc. etc. etc.
J'aimerais bien qu'on parle aussi des injustices et des inégalités qui subsistent. Ici et ailleurs. De la pauvreté des femmes, jeunes ou vieilles, de la misère que certaines doivent endurer pour survivre, avec ou sans leurs enfants, de toutes les violences qu'elles subissent, de toutes les formes que prend la difficulté d'être, de s'affirmer et de grandir quand on est une femme, dans ce monde d'aujourd'hui. Une femme ordinaire mais aussi une femme différente : âgée, gaie, handicapée, solitaire, malade. Quand le sentier de sa vie n'emprunte pas le même chemin que tout le monde, quand on est ou qu'on naît en dehors du cadre habituel et général, quand on n'est pas tout à fait comme « les autres ».
J'aimerais qu'on célèbre la vitalité et la beauté de TOUTES les femmes! Et le chemin que chacune parcourt à sa façon, pour gagner sa liberté et le droit de vivre comme elle veut.
Pour moi, c'est ça la journée des femmes!
Bon 8 mars!
tchin tchin ! I drink to that !
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